Stage de boxe théâtre /
Un projet créé par Stéphanie Blanchoud /
J’ai découvert la boxe anglaise en 2012. Ça a été une révélation.
Pour deux raisons ; la première c’est qu’elle m’a remise sur pieds à un moment de ma vie où
je basculais… la deuxième c’est qu’elle m’a fait prendre conscience des limites de mon corps
et de ma capacité à les repousser bien au-delà de ce que j’imaginais…
En sortant du Conservatoire de Bruxelles en 2003, je manquais d’appuis de jeu, je manquais
d’outils corporels, je manquais d’assise, je manquais de toutes ces choses que j’ai toujours
infiniment admiré chez les acteurs anglophones. Il m’a fallu plusieurs années pour combler ce
manque et je dois bien avouer que la pratique de cet art martial m’a non seulement sauvée
mais aussi rassasiée. Il en est né un spectacle, « Je suis un poids plume » mis en scène par
Daphné D’Heur, créé à Bruxelles au Théâtre des Martyrs en 2017 et qui a tourné pendant plus
de deux ans avec plus d’une centaine de dates dans toute la Belgique. A l’issue de cette
création, il nous a semblé évident à Ben Messaoud (mon coach de boxe présent dans la
spectacle) et moi-même que nos deux « disciplines » devaient cohabiter, que le travail de
l’acteur avait un lien direct avec le travail du boxeur. Qu’il s’agisse de discipline, de pulsion, de
travail sur le rythme, de corps-à-corps, de présence, d’explosivité, d’impulsions, de gestion du
regard, de gestion de l’état, de persévérance ou encore de « justesse » de l’instant, nous avons
trouvé dans nos arts respectifs des points communs, des points d’accroche…
Des acteurs, des actrices sont peu à peu venu(e)s à la salle de boxe, ont découvert un véritable
monde en soi, loin des clichés qu’ils y projetaient souvent. Et nous avons testé Ben et moi-
même avec d’abord un seul acteur, une seule actrice… nous avons testé, fait éprouver à « il »
ou « elle » un entrainement de boxe et fait ressentir l’impact direct que ça procure sur le
corps… Je pense qu’il est indispensable de passer par un travail corporel soutenu pendant une
durée indéterminée pour « grandir » en tant qu’acteur. La boxe nous met de par la
vulnérabilité qu’elle nous renvoie de nous-même face à la possibilité de se sentir plus fort,
plus apte à recevoir, à rendre… peu à peu on se connait davantage, on maitrise mieux son
corps, son souffle, sa respiration, on gagne en vivacité…
Je crois fort aux prouesses de l’extrême. Je crois aux contrastes. Je crois aux limites. Je crois
que de « pousser » l’acteur lui permettra plus facilement d’être capable de « toucher » au
presque rien, de gagner en finesse, d’être capable de feutrer davantage son jeu et de le rendre
minimaliste tout en lui conservant une grande précision… Je crois que « boxer » nous ramène
à l’essence-même du jeu, je crois que d’être traversé par une énergie omniprésente ou par de
l’épuisement vous donne accès à une grande liberté… Je crois que la clef est dans le non
cérébral, je crois que la clef du jeu se trouve dans le corps, quel qu’il soit.
L’atelier de « boxe-théâtre » est axé sur deux choses. Il s’agit dans un premier temps
d’acquérir les outils de base de la boxe anglaise : ses mouvements clefs (gauche-droite-
uppercut-crochet) ses déplacements et ses appuis dans le sol.
Une fois que ces outils-là sont intégrés on les utilise pour guider l’acteur, le faire se dépasser,
le déstabiliser, le faire travailler sur son rapport au partenaire, sur son rapport au plateau, sur
sa flexibilité, sur son instinct, sur ses impulsions, sur ses propres limites. Et lui permettre ainsi
de pallier certaines faiblesses ou insécurités. Il s’agit au fur et à mesure du travail de sonder
chaque acteur, chaque actrice et d’aller vraiment l’aider à trouver son propre rythme afin qu’il
ou elle gagne en aisance, en souplesse et en vivacité.
Chaque séance, chaque journée de stage est divisée en trois temps : la première demi-heure
est envisagée comme un training d’acteurs (cardio, explosivité, corde à sauter…). Ensuite il
s’agira de travailler sur la beauté du geste, sur la précision des mouvements pour aboutir à la
dernière étape en après-midi qui sera de mettre en pratique tout cela sur une partition de
texte ou sur une partition musicale, le but étant évidemment de faire se déplacer l’acteur hors
de sa zone de confort. Faire boxer l’acteur tout en le faisant travailler sur du texte, tout en le
faisant « acter » en face d’un partenaire l’aidera à diriger davantage sa parole et à trouver les
appuis qui lui permettront de faire évoluer son jeu.
La boxe m’a ouvert un immense horizon de liberté.
Et je serais infiniment heureuse de pouvoir le partager.
Stéphanie Blanchoud